"En un clignement d'œil ": le héros
ferme puis ouvre les yeux-il va revivre les derniers instants qui
ont précédé son "rêve" ou son "éveil ".
Son métier? "Hyène": c'est ainsi que l'on
nomme les employés chargés à l'hôpital
d'annoncer les décès...et de demander l'autorisation
de prélever des organes...Notre homme a perdu son épouse
et élève seul une petite fille de deux ans. Il hait
son métier et il est écoeuré par son "collègue"
qui aime un peu trop le même métier. Il n'y a pas de
résurrection.
"J'abandonne" est un récit rare et fort, une des
seules productions "urgentes" et sincères de la "rentrée"
romanesque. Voyons pourquoi: ce que Claudel nous raconte ici, c'est
notre temps -une jeunesse sans mémoire, sans vraie liberté
intérieure, un socius qui refuse de parler de la mort, de l'intégrer,
narcissique et confortable- une société coupée
en deux, entre des "loubards" de banlieue et des "exclus",
victimes aussi bien qu'agresseurs et un monde de "nantis",
informés et protégés...Un espace social qui a
"libéré" les moeurs...pour enfermer les êtres
dans la seule prison du "virtuel" et de l'économie
"globale". Un monde qui a -comme dans les romans de Greg
Egan, auteur de S.F.- aboli toute notion de "transcendance"
pour la remplacer par l'Argent-Roi.
Livre d'absence et de douleur, "J'abandonne" est autant
la rencontre d'une inconnue qui vient de perdre sa fille que la montée
vers l'Amour d'un homme d'aujourd'hui qui voit et décrit sans
détours la vulgarité et l'indifférence de nombre
de ses contemporains gavés de publicité et d'information
formatée.. Une "Passion" symbolisée par les
coups que reçoit le héros sans réagir -d'un jeune
qu'il aurait "regardé" de haut, d'un passant du métro,
de son propre collègue. Cette absence et cette douleur seront
pour lui les seuls moyens de revenir à l'Humain.
Absence de l'Autre, douleur des autres: au coeur de "histoires
personnelles" se trame le destin et la "condition"
de tous!
L'économie "globale" et le "virtuel" pour
tous allaient nous le faire oublier...